L'APOTHÉOSE D'ALYS ROBI
La Mariposa dormait, Dieu sait où, de son dernier sommeil.Il me fallait espérer que ce ne soit pas dans une fosse commune, encore que, tout bien réfléchi, Benoît-Marie Campeau ( La Mariposa ) aurait pu s’y sentir à l’aise, en la compagnie posthume de tous ces laissés-pour-compte de la vie, éloigné à tout jamais de ses parents et de ses faux-amis(es).Déjà, de son vivant,il ne devait pas beaucoup les fréquenter ceux-ci et infiniment préférer la compagnie des exclus ( es ) rt autres marginaux.Plutôt que d’angoisser sur sa dernière demeure, j’étais plutôt habité par l’idée pas mal plus réjouissante que La Mariposa avait, dans les dernières années de sa vie, “ fusionné “ avec la grande Alys Robi, au point de s’identifier complètement à ELLE, pour maintenant ( je me refuse à écrire “ hélas! “ ) LUI tenir compagnie dans une sorte de “ happening. musical éternel où, dans un duo magnifique, l’une à côté de l’autre, si semblables et ppourtant si uniques chacunes,elles se relaieraient pour chanter LEUR “ Laissez-moi encore chanter “ avant de marier leurs voix lors de rappels incessants.
Ce jour-là, j’en étais à faire ce rêve, les yeux grands ouverts, tout juste en face de la fresque sur la rue Ontario, dans notre belle ville de Montréal.Et tant qu’à rêver, j’en rajoutais en me faisant à l’idée qu’elle s’était peut-être tenue au même endroit que moi, en une journée de 2015 aussi splendide que celle que j’étais en train de vivre en train de se décider , enfin, à l’incarner sur une scéne de notre “ Quartier Chaud “.Une grande année, 2015 pour La Mariposa, époque bénie où l’on pouvait encore espérer des “ Nuits de Montréal” qu’elles nous procurent des heures de bonheur simple que notre crise sanitaire nous a ravi et spolié à tout jamais ( je n’ose le croire ! ) Moi qui croyait rêver, voilà que mon attention se porte sur un graffiti ( tout ce qu’il y a de respectueux, par contre ) apposé au bas de la fresque, presque au ras du sol, comme pour ajouter quelque chose d’important, sans vandaliser aucunement.Quelques mots.Des mots simples.Des mots de tous les jours.Je pouvais lire:”J’étais là, juste pour toi”.Une signature, peu lisible, me permettait néanmoins de l’attribuer à Benoît-Marie.Je croyais lire.Je lisais “La Mariposa “Je pouvais entendre, j’entendais comme une voix déjà entendue, cinq ans plus tôt” qui lançait une sorte de “S’il vous plaît” au Seigneur quand elle l’a fait entendre pour la première fois sur cette scène de notre “ Quartier Chaud” et qui paraît avoir été entendue quelques années plus tard lorsque notre Alys a obtenu qu’elle vienne LA rejoindre là où elle pourrrait partager SA gloire.
Me voici, maintenant, à une courte distance de marche de la fresque, devant le cabaret du Village-qui n’en est plus un et qui n’est même plus rien, condamné comme nous tous et toutes à trop vivre dans et de notre passé plutôt que de mourir au présent.Une nostalgique du coin m’aborde comme je commence à cheminer vers la prochaine station de ce “ chemin de croix”: “ Vous savez”, qu’elle me dit, “C’est ici que Madame Robi a fait son grand retour sur la scène québécoise”.Je lui ai alors répondu ( un peu brusquement, mais c’était sous le coup de l’émotion ) :”Merci de m’en “ informer”.Il serait peut-être grand temps que son public retourne à ELLE et lui dire que nous aussi, nous l’avons aimée.” La quittant, j’étais déjà résolu à donner suite à cette “ idée folle de “retour à Alys Robi, à défaut d’UN retour de Madame Robi
Elle serait décédée le 28 mai 2021 que je n’en serais pas dutout surpris.Je parle évidemment de La Mariposa ( Benoît-Marie Campeau ).C’était, comme chacun devrait savoir, le dixième anniversaire du “ décès officiel. de notre chère Alys.Date mythique que ce 28 mai.Alors qu’ELLE avait moins de deux ans, son père l’amenait un 28 mai dans les cafés-bars du Quartier Saint-Sauveur, à Québec, pour LA hisser sur les tables et l’encourager à chanter devant des foules de gens de modeste condition.Et c’est moi, maintenant qui avait l’intention de la hisser à la hauteur d’un très fort désir de nous faire faire un retour à ELLE.” Irrépressible désir auquel je voulais associer tous ceux et toutes celles qui l’ont aimée, mais pas assez! Il me vint donc une idée.
Il me vint , en effet, l’idée de brasser la cage un peu.J’entrai en contact avec une “ huile” du Ministère des Affaires Culturelles pour LUI obtenir de bien méritées Funérailles Nationales, par “ contumace “, en quelque sorte, plusieurs années aprés le “ décès officiel”.Il s’avéra que c’était plutôt à une tache d’huile que j’avais affaire. En vérité, une petite jeunesse qui aurait eu déjà bien du mal à se souvenir qui était René Lévesque ou Trudeau, père, pour faire bonne mesure.Elle ne savait rien de Alys Robi.J’insistai.” Vous savez, une petite Robitaille, une fille de Saint-Sauveur, le quartier voisin.” J’insistai:”Une petite Robitaille.Rien de plus Québécois.Comme pour le “ Panier Bleu”! Au moment où je me décidais à “ fermer le dossier” avec elle, voire même à repartir tout de go pour Montréal, l’huile en chef vint au devant de moi. “Des “Funérailles Nationales” tant de temps aprés le décès, CELA NE SE FAIT PAS,CELA NE S’EST JAMAIS FAIT” -”Eh bien, faites en” que je lui dis.Encore une fois, je n’insistai pas tant il avait la langue de bois et l’orthodoxie bureaucratique vissée au corps. Alys Robi n’avait pas eu “ droit” à des Funérailles Nationales” On les lui ferait.À Montréal, cela va de soi.J’avais déjà l’église en tête, cette Eglise du Village où je croyais ferme qu’ELLE s’était adressée au Seigneur pour qu’IL la ( je corrige, “LA”) laisse chanter encore une fois, voire même plusieurs fois, une église près des lieux où ELLE avait accompli son dernier parcours terrestre.Il me faut aujourd’hui déchanter.Si au moins la députée n’avait pas accueilli avec autant de froideur mon idée de déplacer au 28 mai la Fête Légale et en faire une journée bien spéciale à la mémoire de notre “ seule vraie Reine”!
Bien loin de la Ville de Québec où l’on y a joué avec sa tête et qui n’a eu à lui offrir qu’un trou de huit pieds de profondeur et des parcs à chiens en son honneur ( les funérailles ont quand même été assez émouvantes ) , je lui ferai avec mes amis ( es) une sorte “ d’Apothéose” le 28 mai 2023.Dans un petit parc, au milieu du Village, sans Madame La Mairesse, ni députés.Juste entre gens de notre bonne compagnie qui veilleont à ne “ déranger” personne en la laissant ainsi faire une sorte de retour pour vous et moi qui l’avons tant aimée.
Sauf que beaucoup de nos amis ( es) qui l’ont beaucoup aimée s’en sont allés et que…
MAIS COMME ELLE LE CHANTAIT SI BIEN:”Laissez-moi encore rêver…une dernière fois”.
André Beaulieu